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Reportages sur la randonnée

«La forêt n’a pas besoin de nous mais nous avons besoin d’elle.»

La forêt du Hardwald, entre Muttenz et Birsfelden (BL), est un lieu de détente populaire. Mais elle doit relever des défis liés au changement climatique. Le garde forestier Christian Kleiber et son équipe font face à la chaleur et à la sécheresse en plantant des espèces d’arbres thermophiles.
11.04.2025 • Texte et photos: Nathalie Stöckli
Un arbre sur cinq était mort ou gravement malade: l’été caniculaire de 2018 a laissé des traces évidentes, comme en témoigne la photo de l’été 2019. © Photo: Sabina Roth, Bürgergemeinde der Stadt Basel
Au fil de l’eau jusqu’à la forêt bâloise Hardwald
Kaiseraugst — Birsfelden, Hard • BL

Au fil de l’eau jusqu’à la forêt bâloise Hardwald

La forêt offre un espace de détente, prodigue de l’ombre, purifie l’air et abrite de nombreuses espèces. Remplir ces fonctions devient néanmoins de plus en plus difficile avec la sécheresse et les températures croissantes. La forêt est stressée. Le Hardwald, situé entre Muttenz et Birsfelden, souffre lui aussi d’importants dommages dus à la sécheresse depuis 2018. Cet îlot vert entouré d’industries, du Rhin et de semi-autoroutes, est la destination d’une randonnée proche de la ville. Dans le Hardwald, il est possible d’observer les mesures prises pour permettre aux générations futures de continuer à profiter de la forêt. Sur une parcelle expérimentale, le triage forestier a planté des espèces d’arbres «porteuses d’avenir». Sur la base de cette plantation test, l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) étudie comment les arbres s’adaptent au changement climatique sur une période de 30 à 50 ans. Les personnes souhaitant observer par elles-mêmes la progression des jeunes plants et combiner la visite de la forêt à une randonnée le long de l’eau démarreront à Kaiseraugst, en direction de Bâle. Dès le début, à quelques minutes de la gare, les murs du fort romain de Kaiseraugst se dressent au cœur du quartier. Il compte parmi les monuments les plus importants encore visibles de l’ancienne colonie romaine Augusta Raurica. Depuis l’embarcadère de Kaiseraugst, le chemin longe l’eau sur une étroite ceinture verte en direction de Bâle. Il passe devant des pontons, des promenades fleuries et la centrale hydroélectrique d’Augst, puis longe des maisons de pêcheurs et de vacances à travers des tronçons boisés. A Schweizerhalle, la nature cède la place aux grues et aux sites industriels. Après un court passage sur la route principale, l’itinéraire bifurque dans le Hardwald, où les jeunes plants poussent lentement, mais sûrement, pour former un jour une forêt de nouvelle génération.

vers la proposition de randonnée

La forêt du Hardwald est une sorte d’île, un coin de verdure sur la carte entre Muttenz et Birsfelden, encadré par l’industrie, l’autoroute, le quartier résidentiel, la gare de triage et le Rhin. Les gens viennent y faire du jogging ou des grillades, se promener et randonner. Ici, les enfants de l’atelier de jeu en forêt croisent les hôtes de l’hôtel-boutique voisin en promenade. La forêt purifie et rafraîchit l’air, offre de l’ombre et approvisionne la population en eau potable grâce aux fossés d’infiltration aménagés.

Le Hardwald a joué très tôt un rôle important pour l’être humain, comme le révèle un coup d’œil dans le livre germanophone Heimatkunde Muttenz: les Celtes l’utilisaient comme lieu de sépulture, tandis que la route traversant la forêt pour aller à Augusta Raurica était d’une importance capitale pour les Romains. Si elle servait de forêt de pâturage pour l’élevage à partir du XVIe siècle, la sylviculture a pris une place croissante au fil du temps, afin d’augmenter les réserves de bois. Outre ses fonctions, sa surface a également changé, puisqu’elle a été réduite de moitié à environ 200 hectares au cours des 200 dernières années.

En visite chez le garde forestier 

Cette zone de loisirs de proximité très appréciée est le lieu de travail du garde forestier Christian Kleiber. Sur mandat de la propriétaire, la commune bourgeoise de la ville de Bâle, l’homme de 51 ans gère l’exploitation forestière avec son équipe. Cela inclut l’entretien et l’utilisation de la forêt, comme l’abattage du bois, les reboisements et les nouvelles plantations. L’équipe se charge aussi des travaux d’entretien sur les chemins, les routes et les installations récréatives telles que les bancs, les parcours vita et les aires de grillade.

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«Nous saurons si ces efforts portent leurs fruits d’ici 30 ans.» Christian Kleiber devant une partie de forêt reboisée.

Le centre forestier se trouve à l’orée de la forêt, où le garde forestier nous invite à prendre un café en cet après-midi pluvieux, avant de commencer la visite. Il pose une photo de la forêt vue du ciel à côté des tasses: «Devinez à quelle période de l’année cette photo a été prise.» Les nuances brunâtres incitent à parier sur l’automne. Pourtant, elle a été prise en été.

«La forêt a trop chaud et manque d’eau.» Depuis 2003, elle a connu la sécheresse tous les deux ans. Les arbres en souffrent: «Beaucoup sont tellement affaiblis que même un hiver humide a peu d’effet.» La forêt étant située sur un sol graveleux, celui-ci peut difficilement retenir l’eau, qui s’infiltre à travers. Conséquence: les arbres s’affaiblissent et commencent à casser. Ils doivent alors être abattus, pour des raisons évidentes de sécurité.

Leur disparition a ensuite des répercussions négatives sur les arbres environnants: «Sans leurs voisins, ces arbres sont subitement exposés au soleil, attrapent un coup de soleil et ne sont pas protégés du vent – une condamnation à mort.» Autre conséquence du réchauffement climatique: l’apparition de nouveaux ravageurs dans la forêt, qui mettent les arbres à rude épreuve.

Surface forestière éparse 

Christian Kleiber est garde forestier depuis douze ans et a déjà vécu quelques crises. Mais il est encore ébranlé par celle provoquée par la canicule de l’été 2018: «Il est difficile de voir mourir tout ce que l’on entretient et développe.» Il se lève alors et propose de sortir voir les dégâts causés par la chaleur.

Il s’agit d’une courte marche jusqu’à une clairière. Ce n’est toutefois pas une clairière ordinaire, mais la conséquence de l’été caniculaire d’il y a sept ans. «Comme un emmental», commente Christian Kleiber au sujet des trous qui abritaient autrefois des arbres en bonne santé. Environ 8000 arbres ont été touchés, surtout des vieux hêtres, très répandus dans le Hardwald. Au total, un arbre sur cinq était mort ou sévèrement touché. Comme les arbres morts et secs peuvent tomber ou des parties de la cime casser, la forêt a été fermée pendant un an, d’abord partiellement, puis entièrement.

Durant cette période, l’équipe a abattu de nombreux arbres pour permettre aux visiteuses et visiteurs d’accéder à nouveau à la forêt en toute sécurité. Mais le risque zéro n’existe pas: «La forêt est un espace naturel. Y pénétrer comporte toujours des risques et s’effectue sous la responsabilité de chacune et chacun», explique Christian Kleiber.

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Randonnée et parcours vita: les gens ont diverses exigences vis-à-vis de la forêt.

Aux aspects sécuritaires s’ajoute le préjudice financier: la perte de récolte. En effet, le bois mort est noir à l’intérieur et inutilisable. Christian Kleiber va plus loin pour montrer l’étendue: «Le canton fixe le nombre d’arbres exploitables par la sylviculture chaque année. Il est interdit de récolter plus d’arbres qu’il n’en repousse. Le bois détruit correspond à l’équivalent de dix ans de récolte, qui a tout simplement été perdu.»

Des arbres pour l’avenir

Christian Kleiber fait néanmoins preuve d’un optimisme prudent: «La sécheresse peut aussi être une chance pour la diversité de la forêt.» Ainsi, un nouvel espoir pousse déjà sur les surfaces vides. Au cours des six dernières années, l’équipe forestière a planté plusieurs milliers de jeunes arbres sur 17 hectares: des espèces comme le chêne, le noisetier de Byzance, l’érable à feuilles d’obier, le charme-houblon, le châtaignier ou l’alisier torminal, qui sont moins sensibles à un climat plus chaud et sec. L’objectif est de préparer la forêt pour l’avenir, afin qu’elle puisse continuer à remplir ses fonctions pour les générations futures.

«La forêt n’a pas besoin de nous, mais nous avons besoin d’elle», souligne Christian Kleiber. «La nature sait faire face aux changements. Mais nous, les humains, voulons que la forêt nous protège des dangers naturels, fournisse de l’eau potable, capte le CO2, offre des possibilités de détente et donne du bois comme ressource.» C’est pourquoi Christian Kleiber et son équipe ont entrepris de reboiser. Ils ont planté les nouveaux arbres comme sur un échiquier, dans un périmètre de 10 mètres sur 10. «Chaque carré accueille une essence différente, afin d’éviter de perdre à nouveau de grandes surfaces en cas de problème.» L’équipe a également rapproché les plantes pour les inciter à prendre plus rapidement de la hauteur et avoir ainsi suffisamment de lumière. «Nous saurons si ces efforts portent leurs fruits dans les 30 prochaines années.»

Sur le chemin du retour au centre forestier, Christian Kleiber montre un vieux chêne. «Nous l’avons délibérément laissé pour le pic mar, une espèce menacée. La forêt n’est pas juste une zone de détente pour nous, humains, elle est avant tout un habitat essentiel pour la faune et la flore.»

Avec tous ces arbres, la forêt a failli rester cachée aux yeux de Nathalie Stöckli, à cause des nombreuses fonctions que cet espace naturel doit remplir. Depuis le reportage, la rédactrice indépendante voit les îlots de verdure des zones urbaines d’un autre œil.

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Bon plan

Au début de la randonnée, les murs du fort romain de Kaiseraugst se dressent au cœur du quartier. Construit pour protéger la frontière nord de l’Empire romain des attaques germaniques, il compte parmi les monuments les plus importants encore visibles de l’ancienne colonie romaine Augusta Raurica. On peut le visiter.

Nathalie Stöckli

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